À l’ère de Netflix et des services de streaming à la demande, les évènements sportifs sont sans doute le dernier bastion de la télévision « traditionnelle » comme on la connaît.
Les matchs en direct rapprochent les gens d’une façon que l’on pourrait presque qualifier d’étrange, que ce soit lorsqu’ils regardent les Jeux olympiques blottis dans leur canapé, ou quand ils profitent de la coupe du monde dans un bar.
Les dernières nouvelles menacent cependant ce rituel, même si les conséquences risquent d’être moindre pour les fans que pour les diffuseurs traditionnels qui utilisent un modèle d’abonnement.
En effet, Facebook vient de conclure un nouveau partenariat avec la Ligue de Baseball (MLB), aux États-Unis.
Le réseau va diffuser gratuitement 20 matchs pour ses utilisateurs. Chaque vendredi de la saison, les fans à travers le monde pourront profiter de l’événement, sans être interrompus par les coupures habituelles qui limitent l’accès dans certaines régions.
En avril dernier, Amazon annoncait son projet de diffuser les matchs du « Thursday Night Football » de la Ligue nationale de football américain (NFL), subtilisant ainsi les droits à Twitter grâce à un accord de 50 millions de dollars avec la NFL.
Twitter développe également des partenariats sportifs, et a entre autres trouvé un arrangement avec la Ligue américaine professionnelle de basket-ball féminin (WNBA) et avec de grandes organisations d’e-sport.
« La généralisation des connexions à Internet plus robustes et l’arrivée des services par contournement (produits médiatiques indépendants en ligne) ajoute une nouvelle dimension à la concurrence », explique Raymond Boyle, Professeur de communication au Centre de recherche en politique culturelle de l’Université de Glasgow.
Évolution des droits de diffusion
En général, ce sont les organismes régissant les sports qui gèrent les droits de diffusion des évènements sportifs. À l’époque où la concurrence télévisuelle était limitée, ces droits étaient vendus au plus offrant parmi ceux qui diffusaient en clair.
Tout cela a changé au début des années 1990, avec la naissance du satellite et du câble, et la montée de la télévision par abonnement. Grâce à la législation anti-monopole, les packs d’abonnement sportifs ont été fragmentés, de sorte que, finalement, les consommateurs payaient pour beaucoup de sports qu’ils ne regardaient pas.
Le fait que les médias sociaux et les plateformes en lignes puissent désormais proposer gratuitement des matchs de ligues majeures représente un défi de taille pour les diffuseurs télévisuels.
« Depuis trois ou quatre ans, de grandes entreprises de télévision payante, qui profitaient dans une certaine mesure d’un cartel, subissent la pression imposée par les petits nouveaux : les médias sociaux et les services par contournement », estime R. Boyle.
Le modèle de l’offre groupée qui satisfait tout le monde s’effrite, et les diffuseurs de télévision payante cherchent d’autres moyens d’engranger des bénéfices, notamment en proposant des packs plus petits, ou en offrant un accès gratuit aux nouveaux abonnés.
La menace très réelle des services par contournement est encore exacerbée du côté des sponsors.
Facebook, Amazon et leurs semblables peuvent proposer des publicités ciblées à une échelle et avec une précision que les diffuseurs télévisuels ne peuvent qu’imaginer.
De plus, comme le souligne R. Boyle, « les sponsors aiment la diffusion en clair, car ils peuvent ainsi toucher un public plus large. La télévision payante atteint quant à elle une audience bien plus restreinte. »
Il en va de même pour les organismes qui régissent les sports : ils veulent maximiser les revenus récoltés grâce aux abonnements télévisuels, tout en augmentant la visibilité de leur sport. Par le passé, il s’agissait là d’un exercice d’équilibriste, mais les services par contournement gagnent du terrain, et pourraient potentiellement être une solution qui profite à tous.
Les médias sociaux, le support parfait pour les interactions en temps réel pendant les évènements sportifs
Même si l’aspect financier de l’accord avec la MLB n’a pas été communiqué, les avantages pour Facebook sont nombreux : l’augmentation du nombre d’utilisateurs et de l’engagement apporte une valeur ajoutée aux annonceurs.
À une époque où les marques se battent pour attirer l’attention dans un environnement en ligne surchargé, il est primordial d’être inclus dans la conversation. Pour le monde du sport, cela nécessite une couverture en direct et une présence sur les réseaux sociaux.
Pour survivre dans un paysage complexe où la concurrence est de plus en plus féroce, et où les fans utilisent de mieux en mieux les médias sociaux, les diffuseurs doivent redoubler d’efforts.
« La télévision reste le principal contributeur financier dans le domaine sportif », conclut R. Boyle. « Cependant, au fur et à mesure que les médias sociaux et les services par contournement se définissent de plus en plus comme une forme de télévision, la distinction est de plus en plus floue. »