Voici le troisième et dernier article de notre série #AskTheExperts sur la distribution et le retail. Cette fois, nous nous sommes entretenus avec 3 spécialistes.
Les Experts du Web
Maud Jenni
Maud est CMO et co-fondatrice de l’agence Les experts du Web. Auparavant, elle a occupé le poste de directrice e-commerce et a travaillé avec de nombreux retailers français.
Les Experts du Web
Anthony Rochand
Anthony est CEO et co-fondateur de l’agence Les Experts du Web. Spécialiste de l’influence 2.0, il bénéficie d’un long passé dans la grande distribution, en tant que chef de secteur et directeur de magasin
Shopper Mind
Jean-Marc Megnin
Jean-Marc est directeur général de Shopper Mind, l’observatoire de tendances du retail et commerce du Groupe Altavia. Il a travaillé avec les plus grandes enseignes de distribution françaises.
Cet entretien vient compléter la série qui a vu Laurence Faguer nous parler des pratiques des retailers américains, et Damien Jacob évoquer comment le retail et la distribution font face à la transformation numérique.
De l’écosystème ultra-concurrentiel à la boulimie algorithmique, en passant par l’omniprésence du mobile et la personnalisation, découvrez les avis des ces trois experts sur les caractéristiques, tendances, challenges et enjeux social media pour le secteur de la distribution.
Qu’est-ce qui caractérise le secteur à l’heure de la transformation digitale ?
Maud – « Le secteur est ultra-concurrentiel. Ainsi, il a besoin de renouvellement continu afin de conserver et développer des parts de marché. Dans cet écosystème, il lui faut considérer des poids lourds comme Amazon qui s’attaquent à une économie qui doit bousculer ses modèles et services. Avec la possibilité de passer des commandes en 1 clic et un gain de temps manifeste via des parcours client optimisés et des services de livraison ultra-rapide, l’e-commerce comprend des avantages substantiels face aux mécanismes de la distribution traditionnelle.
Au delà des changements organisationnels, c’est au niveau de l’expérience client et des espaces de vente (physiques ou digitaux) que se tient le nerf de la guerre. Le comportement des consommateurs a changé. Au delà des nouveaux services de « commodité » (bornes tactiles, wifi, drive, livraison à domicile, etc.), les nouvelles habitudes des consommateurs conduisent les distributeurs à mettre en place une démarche globale et omnicanal de manière unilatérale pour améliorer la réactivité des différents processus opérationnels (passage en caisse, distribution, information, communication).
Aussi, en améliorant la connaissance, l’expérience et le retour client, le secteur pourra se réinventer pleinement avec le bénéfice de la transformation digitale. Reste à ajuster toute une stratégie. »
Jean-Marc – « Historiquement il y a eu trois phases de réaction de la distribution française (food et non food) face au digital : le déni, la colère, l’acceptation et la reconstruction omnicanal.
Avec le digital, la concurrence n’est plus frontale mais arrive « par le haut ». Il est intéressant de constater que les centres commerciaux vivent la même chose.
Le digital a radicalement transformé le comportement des consommateurs. D’ailleurs il ne faut pas confondre « acheter sur Internet » avec l’influence qu’internet a sur nos achats : suivant les marchés 70 % des achats se font encore en magasin ; le magasin influe sur les achats en ligne et inversement. De « captifs » les clients sont devenus « libérés ». La distribution a dû comprendre que pour servir ses clients il ne faut plus forcément les pousser à venir en magasin.
Pour survivre les enseignes de distribution doivent prendre en compte que :
- La concurrence n’est plus physique mais dans le cloud
- Le commerce doit être multi-service
- La baisse des visites en magasin n’est pas une fatalité mais une conjoncture »
Selon-vous, quelles sont les tendances émergentes pour le secteur de la distribution ?
Maud – « Pour moi, tout ce qui se rapporte au phygital et donc à la digitalisation des points de vente doit amener à un meilleur équilibre du secteur. La technologie qui vise à faciliter l’achat et accompagner le client en amont de la vente à l’après-vente a son importance.
Il en est de même concernant la collecte et la clusterisation intelligente des données dans une optique de personnalisation de la relation client en continu. Dans ce cadre, l’intégration de la mobilité est essentielle notamment dans les aspects de repérage produits d’accès aux offres spécifiques.
Plus globalement, l’animation par le biais des objets connectés ou encore la réalité virtuelle (v-commerce) doivent permettre la création de nouvelles interactions pour réinventer les espaces de vente ; on y attend un fort développement ces prochaines années. Les tendances avec le paiement par mobile doivent se confirmer (Auchan et Franprix l’intègrent déjà via les applications MyAuchan et Lydia), mais aussi celles de la consommation collaborative par le biais du cobanking.
Enfin, les services d’achat directs auprès des petits producteurs devraient être davantage valorisés pour répondre à des critères de qualité plébiscités par les consommateurs. »
Jean-Marc – « Je dirai que c’est le grand retour de la proximité relationnelle et de services. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser le digital à fortiori ‘’mobile’’ est un formidable atout pour la relation client. Il offre une certaine fluidité du parcours d’achat et des interactions. L’humain est encore l’humain.
Mais également la premiumisation des points de vente, pour recréer de la valeur sur les achats non mécanisables, l’élargissement des amplitudes horaires via le digital pour être toujours disponible pour ses clients ou encore redevenir un lieu sociétal. »
Quels sont les enjeux de la social data et des médias sociaux pour les GMS ?
Anthony – « Le marketing digital représente un enjeu capital pour les GMS, notamment l’engagement créé sur les médias sociaux.
La communication social media représente une réelle opportunité de créer un pont entre le client en magasin et l’enseigne. Les GMS doivent donc se montrer créatives et innovantes afin d’interagir avec leurs consommateurs (futurs ou actuels) pour établir une réelle relation privilégiée. En fait les plateformes sociales des marques doivent se mettre au service du client. Les médias sociaux deviennent au fil du temps un canal complémentaire qui va donner une visibilité à l’offre en direction d’une clientèle pas toujours accessible de manière traditionnelle.
L’analyse de la social data prend tout son sens aussi dans ce contexte : les insights révélés, peuvent et doivent rendre possible l’optimisation des prix et de l’expérience dans les points de vente. L’objectif étant d’aboutir à un meilleur positionnement face à la concurrence grâce à une adaptation en temps réel. »
Jean-Marc – « Personnellement je pense que la data, notamment avec l’intelligence artificielle et le deep learning vont permettre de mieux comprendre les besoins et demandes clients y compris dans leurs « non dits ».
Pour moi les outils digitaux à disposition doivent être approchés comme suit « Dis moi quel est ton objectif, je te dirai de quel outil digital tu as besoin’’.
Il est important de comprendre que le digital n’est pas une réponse à tout. Le pivot central du digital sera mobile. Quant aux réseaux sociaux il faudra distinguer ceux de type Wechat intégrant paiement et boutiques en ligne, des réseaux comme Snapchat ou Pinterest qui tiennent davantage un rôle d’influence, de réputation et d’événementialisation mais qui ne sont pas nécessairement des réseaux de vente.
Mais l’enjeu principal sera d’intégrer l’humain et l’expérience physique au digital. »
Enfin, quels sont les principaux challenges pour les distributeurs alimentaires aujourd’hui ?
Anthony – « Le gaspillage alimentaire est un défi pour les entreprises, rendu encore plus conséquent par les différentes dispositions prises début 2016. Par conséquent le digital joue un rôle de premier ordre dans ce challenge, afin notamment de mieux encadrer la gestion des invendus.
Les clients de plus en plus équipés de smartphone bousculent aussi profondément l’approche du commerce en magasin. C’est donc une obligation pour les distributeurs alimentaires, de tenir compte de ce phénomène, avec une adaptation « digitale » des usages. Pour finir c’est une interaction client multicanale que doit mener un distributeur aujourd’hui, avec un fondement orienté campagnes SMS ou e-mailing. »
Jean-Marc – « Il en existe plusieurs mais parmi les principaux on peut citer les suivants :
- Contrer les places de marché et principalement Amazon capables de fournir des services comme la livraison en 1 heure sur des produits de nécessité, ou encore Zalando avec le « zéro risque ».
- Savoir répondre à un consommateur de plus en plus exigeant et infidèle.
- Intégrer des collaborateurs de nouvelle génération, pour qui le digital est totalement intégré et donc en mesure de mieux comprendre les clients et leur process.
- Le commerce « sans frontières » : acheter sur AliExpress ou sur les sites ‘’hors zones’’ n’est plus un problème, et les leaders vont concentrer les plates formes.
- La boulimie algorithmique »